Une parole, une attitude, un regard ...
Il y a de ça environ 8 ans, j’ai su que la violence n’était pas que physique.
Qu’une parole, une attitude, un regard, pouvaient atteindre notre être profondément.
Je me souviens encore du premier « red flag » avec mon ex-conjoint. Cette première fois où j’ai ressenti un grand malaise, cette fois où j’aurais dont dû partir en courant et ne plus jamais me retourner…
Ça devait faire environ 2 mois que nous nous fréquentions, nous étions partis essayer une moto que je voulais acheter, je voulais qu’il me dise ce qu’il en pensait. C’est lui qui conduisait pour l’essayer, et moi j’étais assise derrière. Il m’avait toujours dit que lorsqu’il embarquait une fille derrière lui, le « signe » pour dire qu’il voulait faire un « wheelie » était de lui taper sur la cuisse. Il savait que j’avais une peur bleue de ça, que c’était hors de question avec moi. Bref, nous sommes partis et à peine 3 minutes plus tard, il me tape sur la cuisse. Je panique, je commence à parler plus fort (avec un casque sur la tête on n’entend pas très bien) et je le supplie de ne pas faire ça, je lui dis que j’ai trop peur, etc. J’ai les larmes aux yeux… Il freine tellement sec que mon casque cogne le sien en avant, il commence à me crier après avec un regard noir : « Tu ne me parleras pas comme ça, arrête de crier, je voulais juste accélérer pour l’essayer! On peut s’en retourner tout de suite si tu veux, moi je m’en criss! ». Je lui réponds, d’une petite voix paniquée : « Je ne veux pas que tu fasses de wheel, j’ai trop peur, tu m’as tapé sur la cuisse… ». Il me dit tout bonnement : « Voir qu’on peut faire des wheels avec ce genre de moto là, franchement, le devant est bin trop lourd! ». À ce moment-là je me souviens comment je me sentais conne, angoissée, à quel point j’avais hâte de retourner chez moi…J’ai voulu lui en reparler par la suite
...Et d’ailleurs à plusieurs reprises lors de nos disputes, je voulais en reparler calmement, ça avait toujours été ma façon de faire; discuter calmement des situations conflictuelles, mais chaque fois il me répondait : « Ah moi si c’est trop compliqué là… ça ne peut pas être simple? ». Alors je devais ravaler… J’avais si peur de le perdre, si peur de mal paraitre à ses yeux...
Quand on sortait dans un bar ou dans des soirées où il y avait pleins de gens, il avait cette façon de charmer les filles, ses petits regards, son sourire, les gros câlins. J’avais le cœur gros et je finissais par perdre mon sourire et me sentir trahie, jalouse et possessive. Il me disait souvent : « Il y a pleins de monde-là, affiche toi un sourire, de quoi je vais avoir l’air, moi?? ». Quand son ex-conjointe à lui était là, il me disait toujours : « Allez, ris, fait semblant qu’on est vraiment heureux ».Une fois, j’ai eu le malheur de prendre une gorgée dans la bière d’un de ses amis, pour goûter. J’ai eu droit à une crise de jalousie intense, je me suis faite reprocher pendant des jours et des jours que je ne sais pas où son ami s’était mis la bouche avant, que mon geste pour goûter sa bière ressemblait presque à un « french » à la canette, à quel point j’avais l’air excitée de goûter sa bière.
...Et il me reproduisait sans arrêt le geste que j’avais supposément fait en la prenant des mains de son ami. Je me sentais coupable, angoissée, il avait ce don de laisser planer un malaise, de me faire sentir coupable. Il rendait des gestes anodins, en gestes d’une gravité exagérée quand il s’agissait de moi, puis de minimiser et me faire sentir comme une moins que rien quand il s’agissait de lui...
Son métier faisait que parfois il devait partir les weekends, et avant de partir il me disait : « Tu peux aller à « tel bar » quand je ne serai pas là ». Il savait ce que je faisais, avec qui j’étais, il me posait des questions comme s’il avait mis une caméra dans la place. J’ai su plus tard qu’une personne « m’espionnait » pendant son absence. Elle lui disait tout mes faits et gestes. Il avait un défaut pour chacun(e) de mes ami(e)s, et à la fin, je ne m’étais jamais sentie aussi seule qu’avec lui. Il faisait le ménage autour de moi, insidieusement…Les gens ne se rendaient pas compte à quel point c’était un être malsain, parce qu’il est souriant, il a du charme, il est très poli. Rarement il y a eu des témoins de ses comportements violents, mis à part son fils, et une fois ma nièce. Nous étions allés à la Ronde à Montréal tous les 4 et au retour, il a pogné les nerfs parce qu’il entendait un bruit dans la sortie de la chaufferette. Il s’est mis à sacrer, à donner des coups de talon dedans, la voiture s’en allait tout croche sur l’autoroute. J’avais peur, je jetais des coups d’œil aux enfants en arrière. Nous avons fini par rentrer sains et saufs, moi avec la boule dans l’estomac d’avoir stressé pour notre sécurité, pour nos vies durant 2h.
Une fois aussi, j’avais été le rejoindre aux États-Unis lors de l’un de ses voyages. J’étais toute seule en auto, je devais traverser les douanes, c’était un gros défi pour une anxieuse comme moi! J’avais peur mais… je voulais lui faire plaisir. Le dimanche matin, je devais repartir au Québec et je ne savais pas comment sortir de la ville, je lui ai demandé de m’aider et je voyais dans son regard qu’il n’était pas content. La panique commençait à redoubler d’ampleur. Il me dit : « Nous avons une belle chambre d’hôtel et tu repars comme ça sans qu’on ne fasse rien ce matin (au lit)? Je n’ai pas vraiment envie de t’aider rendu là, arrange toi toute seule ». Je l’ai supplié de ne pas me faire ça, que j’étais morte de peur de me tromper de route, que j’étais angoissée et je n’avais pas la tête à ça, mais rien n’y faisait. J’ai dû m’excuser et lui faire des avances comme si j’avais vraiment envie de lui. Je me suis sentie comme une prostituée, à la limite presque violée. Il m’a aidée à sortir de la ville après, mais j’ai payé très cher de mon estime de moi.
Combien de fois j’ai dû m’excuser pour des choses dont je n’étais pas responsable ni coupable, je le faisais pour le calmer. Il passait du gentil chum à tout d’un coup un étranger insensible, manipulateur et narcissique. Majoritairement pour des niaiseries, je voyais son regard changer tout d’un coup et je savais que j’avais perdu le « bon » côté de lui, que c’était le mauvais qui prenait place. Il a eu quelques « états de conscience » si je peux dire, mais je le perdais rapidement par la suite.
La pire fois, celle où j’ai pris contact avec la maison La Nacelle en pleine nuit, nous revenions du fameux bar, le seul où j’avais le droit d’aller en son absence. Cette nuit-là il avait une fois de plus abusé de son charme envers la gente féminine. J’ai perdu mon sourire, il a exigé que nous partions illico à mon appartement. Cette fois il a été violent psychologiquement, mais un peu physiquement aussi. Il s’est mis à lancer pleins d’objets sur moi (dont une canette pour huiler les chaines de motos, qui ma valut un beau bleu sur la cuisse), à crier (et moi aussi, totalement paniquée), à lancer mes clés d’auto et de moto, pour finir couché dans l’entrée de ma porte et me bloquer la sortie (je n’avais pas d’autre porte de sortie dans cet appartement). Il était en état d’ébriété et a fini par s’endormir sur le tapis d’entrée. J’ai pris le téléphone, je me suis enfermée dans ma chambre et le 811 m’ont référé à la Nacelle. J’ai appris que le mot pour ce genre de situation était : séquestration.
Le processus pour reprendre ma vie en main a commencé tout doucement à ce moment-là. J’ai aussi rencontré une intervenante merveilleuse de la Nacelle par la suite, on se voyait chaque semaine et mon cheminement s’est fait très graduellement. Il n’aimait pas ça, oh qu’il posait des questions, de quoi on parlait dans nos rencontres, est-ce qu’on parlait de lui, etc.
J’ai longtemps douté de moi, mon estime étant à son plus bas. Je me suis souvent demandé si j’avais halluciné, qu’au final était-ce moi qui était coupable dans tout ça? Que j’avais peut-être amplifié, exagéré les choses? Son emprise avait fait bien des dommages…J’ai fini par le laisser quelques mois plus tard. Un jour, un déclic s’est fait dans ma tête; je n’avais plus peur de le perdre, je n’avais plus peur qu’il me laisse, je voulais qu’il parte. C’est fou comment j’ai repris le contrôle à ce moment-là et comment lui a commencé à perdre du pouvoir sur moi. Moi qui suis de nature douce et calme, je lui ai fait une crise monumentale. J’en avais assez que tout se retourne toujours contre moi, que ce soit toujours moi la coupable, celle qui n’était pas correcte, celle qui était compliquée.
C’était en février, proche de la St-Valentin. La suite n’a pas été facile, ça m’a pris des années avant d’arrêter d’être frustrée, avant d’arrêter de vouloir que le karma se retourne contre lui. Des années avant d’arrêter de parler de lui chaque semaine, j’avais ce besoin de dire haut et fort à quel point il n’était pas ce que les gens croyaient. Je me suis rendu compte que je gaspillais mon énergie à être fâchée contre lui, j’étais épuisée mentalement et je sentais que mes amis commençaient à être blasés de m’entendre parler de lui. Il n’était quand même pas question que je lui pardonne! Mais… me pardonner à moi, oui. Me pardonner de m’être laissée tomber au profit de ce manipulateur, de comprendre que sa façon de procéder n’était pas équitable, que n’importe qui aurait pu s’y laisser prendre, se laisser détruire. Je me suis pardonnée de m’être souvent excusée pour des trucs que je n’avais pas faits, juste pour le calmer.
J’ai rebâti mon estime de moi, peu à peu, un petit pas à la fois. Je n’ai jamais été aussi bien entourée suite à mon cheminement, et j’ai fait face à quelques personnes manipulatrices dans les mois et années qui ont suivi, j’étais rendue avec un radar à narcissique incroyablement aiguisé. Je faisais le ménage à mesure, je ne me laissais plus faire. J’écoutais désormais mes « red flag » dès le début, au lieu de fermer les yeux. La paix intérieure a fini par revenir. Peut-être pas 100%, il y aura toujours des pensées, des émotions qui referont surface, mais je les laisse passer, sans forcer. Je sais que je suis bien entourée des gens que j’aime, des gens honnêtes, avec qui ma petite voix intérieure se sent à l’aise, en sécurité. Je sais que c’est difficile quand on est là-dedans, c’est pour ça que de l’aide existe, pour pouvoir observer d’un autre œil la situation. Réapprendre à m’aimer autrement a été le plus beau cadeau que j’ai pu me faire. Plus jamais je ne me laisserai tomber, je suis la personne la plus importante dans ma vie…